Il y a des albums qui ont besoin de temps pour dégager toutes leurs saveurs. Du coup parfois j’ai du mal à classifier certains disques. Aux premières écoutes, « Age of winters » est au mieux un bon album. Perso, j’ai mis du temps à admettre que c’est une mine d’or. Il faut dire qu’en 2006 les quatre suédois nous ont envoyé ce gros missile dans la face sans prévenir, alors j’ai mis du temps à accuser le coup. Il y a du lourd, du très très lourd dans cet album, quelque chose qui me fait penser, avec un peu de recul, qu’il deviendra mythique. A moins que le mot ne soit un peu fort… vous voyez je ne l’admets pas encore.
Je n’écoute que rarement « Age of winters », d’abord parce qu’il faut être bien dedans, c’est pas le disque à passer en fond sonore pendant les soirées time’s up, voyez-vous, et puis parce que sa violence pourrait m’irriter à long terme. J’ai dit violence, j’aurais dû dire agressivité lyrique. Vous voyez, je suis troublé, car cet album, c’est plein de choses à la fois.
C’est un roman de Dark Fantasy comme ont pu en chanter Hawkwind ou Led Zeppelin, avec pochette totalement en accord avec l’ambiance, et enrichi de sympathiques illustrations sonores (les hurlements d’une horde de loups sur « winter’s wolves », qui dans n’importe quel autre contexte auraient été clairement ringards, mais là, c’est un régal).
En tant que grand amateur de fantasy, je préfère ça aux chants celtiques, enfin moi je dis ça…
C’est la vélocité de Metallica, les accords qui s’enchaînent sans relâche et sans se ressembler du début à la fin, les ghost notes en aller-retour placées au millimètre (« Iron Swan » ou la merveilleuse « Lament for the Auroch ») à vous faire des trous dans la cuisse droite du jean à force de air-guitariser, un batteur probablement complètement névrosé qui soutient les incessants changements de rythmique avec une agressivité à en fissurer ses cymbales, une imprévisibilité à la durée de vie digne d’un troll des cavernes, mais sans le kitsch de Metallica, sans les efforts pathétiques à essayer de créer des mélodies assez jolies pour que le metalleux lover lambda puisse pécho Jessica dans sa chambrette. Non, The Sword ne cherche à être adopté par personne. Ça sent l’éclate à plein nez, la jeunesse, le naturel.
C’est un peu du Metal, avec quelques accents Heavy quand même un peu kitschou parfois, des accords de voix douteux (on met pas mal de temps à accepter la voix du chanteur, assez particulière, voir désagréable au début), ça sent moins le désert californien que les musiques du laserquest. Pourtant c’est un peu du Stoner, les guitares sonnent très grave, le chant est complètement monocorde, certains riffs restent encrés dans les boyaux de la tête même s’ils sont incroyablement éphémères, ça sent parfois le trip dans les forêts elfiques ou au coeur des armées trolloques. C’est brutal mais contenu, c’est instinctif mais maîtrisé, c’est intelligemment bourrin, c’est du déjà vu complètement inédit, c’est traînant et incroyablement véloce…
C’est avant tout une réussite totale, qu’importent les qualificatifs, dans dix ans je dirai peut-être que c’est un chef-d’oeuvre comme on ne saura plus en faire. Mais le temps que je m’en rende compte, je laisse l’épée s’affûter un peu à mes oreilles, et c’est promis, un jour, je trancherai.