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Homeland

Dans mon échelle d’appréciation des séries, il y a 4 rangs au dessus de « mauvais ». Il y a les bonnes séries, les très bonnes séries, les excellentes séries, et enfin ce que je nommerai, avec une teinte de poésie toute en retenue que vous apprendrez à m’adjoindre, les « fatch la putain d’sa mère c’est quoi ce truc » de séries.

Homeland est pour moi une très bonne série.

Restez, ça peut quand même être intéressant. Je vais tout de même pas faire mon premier article « séries » sur la dernière catégorie! Je me fais la main et on parlera de Breaking Bad plus tard.

Question con : pourquoi j’aime bien Homeland?
Réponse con mais qui se donne un genre :

Je fais pas de pitch, on verra au fur et à mesure.
La série traite d’un sujet très, trop, beaucoup trop, vomitivement trop exploité par 24H chrono : le terrorisme, ou plutôt la menace terroriste aux États Unis, avec option complot en interne. Pour ceux qui ont vu 24H chrono, vous prenez Jack Bauer, vous lui enlevez son incroyable chatoune, son insupportable propension à tout savoir avant tout le monde (si si, franchement au bout d’un moment… je veux dire, Paul le poulpe à côté c’est Pierre Richard, faut pas déconner), retirez-lui aussi son aptitude à cavaler dix minutes avec trois balles de M16 dans la rotule, et vous obtenez Carrie Mathison, agent de la CIA à Washington, certes très douée dans son métier, mais humaine, c’est-à-dire susceptible à tout moment de se casser lamentablement la gueule.

Normal, me direz-vous, Bauer c’est un mec, alors qu’elle c’est juste une gonzesse.
Bien sur que c’est pas faux, c’est pas faux. Bien sur.

Carrie n’a pas de vie sociale (elle aimerait bien mais elle a pas le temps), elle est bipolaire, elle prend des médocs mais faut pas que ça se sache, elle picole, elle est toujours en retard aux réunions, elle se tape des mecs mariés… Pire, des fois elle est même pas coiffée, elle a pas le temps de prendre des douches, et je vous dis pas comme elle est négligée du maquillage.
Dans une série américaine, avouez que ça fait tache.
Autres taches : pas de beaux gosses au menton trop carré dans les personnages secondaires, pas de playmate, bref, le bonheur.

Mais la clé, le truc trop rare qui me fait apprécier cette série, c’est le réalisme dans le comportement des personnages. Carrie, donc, soupçonne un héros de guerre rentré d’Irak après avoir été pris pour mort durant 7 années d’être devenu lui-même terroriste. En gros d’après elle ce Héros, acclamé dans tout le pays, veut tout faire péter.
Mais comme elle est la seule à penser ça, et comme elle n’a absolument aucune preuve de ce qu’elle avance, elle va se retrouver bien en galère. Et quand son supérieur l’envoie bouler, ben elle fait pas la maligne, elle ferme bien sa gueule, et elle continue de chercher des preuves. Comme dans la vraie vie quoi.

Carrie galère sévère, elle n’a pas d’éclairs de génie improbables en voyant une pub pour du saucisson (voir l’épisode « chaos theory »de South Park avec Jeff Goldblum, saison 7, ils ont parfaitement résumé le problème des éclairs de génie improbables).
Carrie a la lose, elle se fait tout le temps remballer, même par son meilleur ami.
Carrie est prête à coucher pour s’en sortir, même avec son meilleur ami.
Carrie revient bredouille quand on croit franchement qu’elle va trouver des preuves.
Carrie se fait honteusement caler quand elle tend des pièges pourtant bien pensés.
Et enfin, pour les fans de Laurent Ruquier, Carrie se soigne quand elle se fait plomber.

Il y a donc une logique dans Homeland, bizarrement, le réalisme dans les dialogues et les retournements de situation rend la série complètement imprévisible. C’est moche, mais on a tellement l’habitude de voir les personnages des séries agir au service d’un scénario (aussi bon qu’il puisse être), que quand ils ont des réactions normales, on est surpris.
J’illustre : dans l’épisode 10, Nicholas Brody, le fameux héros de guerre, veut convaincre sa femme qu’il doit entrer en politique. Il va donc voir son meilleur ami, et lui demande de parler à sa femme. L’ami s’exécute, sonne à la porte, parle à la charmante Jessica Brody, lui fait un petit bla bla. Ici pas de piano en fond sonore, pas de larmes, rien. Déjà, ça fait du bien. Mais le meilleur reste à venir. Là où dans beaucoup de séries Jessica aurait été tellement émue qu’elle aurait fondu en larmes avant de changer d’avis pour illustrer à quel point l’amitié d’un homme américain peut changer la vie d’un homme américain par américaine interposée, dans Homeland, Jessica réagit comme toi et moi on aurait réagi :
« – attends c’est lui qui t’envoie me dire ça?
– oui mais je pense sincèrement ce que je dis…
– ben t’as qu’à aller te faire foutre pour voir. »

Elle dit pas vraiment ça, je résume hein. D’ailleurs j’ai donné un exemple n’ayant pas vraiment à voir avec l’intrigue principale, mais dans l’ensemble ça se passe toujours comme ça.

Toujours est-il que ça fait du bien, ça apporte de la fraicheur, on respire, et on est d’autant plus content quand la situation se débloque un peu pour faire avancer l’enquête. Pour ne rien gâcher, elle est plutôt passionnante cette enquête, on se prend au jeu dès les premières minutes du premier épisode, tous les personnages sont attachants, il n’y a pas les méchants d’un côté et les gentils de l’autre, ce qui m’amène à lier cette série à un thème que je traiterai plus tard dans ce blog, les puissantes visions du bien et du mal.

Pour finir, je parlerai un peu du meilleur ami de Carrie, Saul Berenson, merveilleusement joué par Mandy Patinkin, chef d’une division de la CIA, barbu extrêmement calme et compétent, particulièrement charismatique. C’est sûrement voulu, mais ce personnage a toute mon affection, je le trouve touchant, le parallèle sur sa vie privée m’émeut sans me souler. Il est d’une tristesse incroyable, il n’a pas d’humour, il est fatigué, sa vie amoureuse est un échec, et il est capable de se transformer en un redoutable meneur d’interrogatoire, limite cruel. Pourtant on voudrait l’avoir comme tonton, et ça, c’est le propre d’un personnage réussi.

J’ai donc trouvé dans Homeland une intrigue aussi bien ficelée que dans les meilleures saisons de 24H chrono (j’abuse de la comparaison, mais faut avouer qu’elle s’impose), mais sans le dégueulis ultra-patriotique ni la perfection masturbatoire de l’Amérique incarnée par un quelconque personnage, et ça, ça n’a pas de prix.