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Écouter Truckfighters augmente l’espérance de vie.

Une étude internationale prouve qu’écouter le groupe Truckfighters est bon pour la santé.

J’ai moi-même mené cette étude dans mon salon, ou du moins je m’apprête à le faire, de façon internationale donc, simplement parce que je suis moi-même citoyen de ce monde et que je parle pas trop mal anglais. Allez, dans un souci d’exactitude et d’irréprochabilité, je corrige :

Une étude personnelle prouvera un jour qu’écouter Truckfighters est bon pour la santé.

Premièrement, parce que je les écoute depuis des années, et je vais super bien. S’il en faut plus pour appuyer mon argument, j’ajoute que mon frangin, qui les écoute aussi, n’a pas de problème de santé particulier. À confirmer, ça fait quelques jours que j’ai pas de nouvelles, mais a priori tout va bien sinon ma mère m’aurait appelé.
On est donc à un bon gros 100% de gens que je connais qui écoutent Truckfighters et qui vont bien. Là je pense que ça calme les détracteurs direct.

Deuxièmement, pour ceux qui ne le sauraient pas ou qui s’en foutent comme du dernier Frank Michael, et je sais qu’ils sont nombreux, Truckfighters fait de la musique dite « Stoner ». Et pas qu’un peu, puisque depuis les plus célèbres groupes fondateurs du genre comme Electric Wizard et Kyuss, les suédois sus-nommés sont parmi les plus virulents défenseurs de la trame Stoner originelle : basses assourdissantes, guitare assourdissante, batterie assourdissante, chant.
Non non, au niveau du chant on se plaint pas. On est plutôt cool dans le Stoner, les hurlements de hyène épileptique on aime pas trop ça, on préfère poser la voix tranquillou, surtout si par chance on a été doté par mère nature d’un timbre rocailleux.
Donc Ozo (Oskar Cedermalm), le chanteur-bassiste du groupe qui n’a d’ailleurs pas un timbre rocailleux, pose la voix. Par contre niveau basse, pour soutenir ses copains et qu’on l’entende il avait deux options : jouer très très très fort, ou se brancher sur la centrale électrique de Stockholm. Je sais pas quelle option il a choisie mais on l’entend.
En guise de conclusion à ce brillant deuxième argument, je dirai que si on entend clairement le bassiste sans se péter la trompe d’eustache avec des cris de chatte en chaleur, ça veut dire qu’on se porte bien.

Ce qui m’amène sans le moindre rapport à mon troisième argument. Être en bonne santé, ce n’est pas seulement honorer le 100 mètres en moins de 10 secondes ou courir après mémé passé 70 ans, ni même le contraire. Être en bonne santé, c’est aussi avoir les idées claires. Les brainstormings, là pour le coup c’est prouvé, ça maintient en forme.
Et pour nous maintenir en forme, chez Truckfighters, ils ont un secret.
L’épuration complexe.
Ça fait classe, surtout parce que je l’ai isolé et surgraissé, mais vous verrez ça n’a aucun sens.
Épuration car le groupe produit une musique sans chichi. L’objectif est d’isoler l’essence du desert rock et de retranscrire le plus fidèlement possible sa propension à éliminer tous les artifices liés aux conséquences dramatiques que la démonstration technique peut engendrer. On épure au maximum, et les moins cons d’entre nous savent bien qu’épuration n’est pas synonyme de simplicité.
Complexe parce que derrière les riffs extrêmement lourds et les patterns de batterie ravageurs se cache un sens de la créativité hors du commun. La différence entre une musique simple et une musique complexe, dites moi si je me trompe, c’est qu’au bout de mille écoutes, on a toujours pas fait le tour des musiques complexes. Quand aux premières écoutes on a eu l’impression d’avoir affaire à un groupe de sauvages, avouez que le succès d’un tel effet relève du tour de magie.
Venons-en aux faits : la musique de Truckfighters fait réfléchir, elle remet en cause tout un postulat erroné disant que le style balourd n’a aucun crédit artistique.

J’en viens à mon dernier argument et pas des moindres. S’il y a un effet réellement étonnant que la musique de Truckfighters peut provoquer sur votre cerveau et votre corps, c’est l’effet que je nommerai « de décrassage ».
Aucun autre groupe, à ma connaissance, n’est capable de créer des appartées musicales de ce niveau. Dans les deux premiers albums en particulier, il y a peu de chansons que l’on ne peut pas diviser en deux : d’un côté la partie chantée, de l’autre une sorte de mini chanson sans texte.
Je vais appeler la deuxième catégorie les « rowenta », parce que quand on est dedans on se sent comme dans un sèche linge à pleine vitesse.
Une rowenta commence par un gros son obsédant, j’ai presque envie de dire hypnotique, introduit avec brio dans une chanson sans rapport apparent. Les riffs d’une rowenta sont simplement extraordinaires, la section rythmique vous fait entrer dans le jeu à force de répétitivité mais vous retourne le cerveau en plaçant avec une justesse déconcertante des tonnes de contre-temps, parfois ça s’arrête et ça reprend avec d’admirables variantes, et ça enchaine les petits coups de génie sans relâche, comme ça l’air de rien.
Les membres du groupe mettent une énergie toute particulière à ces rowentas, à tel point que c’est devenu leur marque de fabrique. Moi, ça me fait oublier tous mes soucis, je déborde d’énergie quand j’enlève mon casque (les plus médisants diront que ça me rend tout speed, mais c’est même pas vrai, c’est le café qui me fait ça).

Je vous avoue que j’ai bien galéré à trouver le moyen d’aborder le sujet. La meilleure façon de donner envie d’écouter Truckfighters, c’est de dire que ça déchire sa mère, mais j’ai voulu développer légèrement, quitte à passer pour un con. En somme, ces mecs là ont un talent fou, leur musique déborde d’intelligence. J’aimerais qu’aux soirées David Guetta on glisse un petit « Chamelion », comme on glisse une petite quenelle de 112, ça éviterait bien des maladies.